Ensemble de quatorze peintures, de Bernard Bouin (2013)

D’après l’œuvre de Friedrich Nietzsche « Ainsi parlait Zarathoustra » (1883 – 1885)

et du poème symphonique du même nom, opus 30, de Richard Strauss (Berlin, 1896).

 

En faisant cet ensemble de 14 peintures, j’ai fait une interprétation personnelle pour donner à voir, à entendre, à comprendre ce que nous dit Friedrich Nietzsche du Monde et de l’Homme, en prenant comme scénario…la structure du poème symphonique de Richard Strauss. (Il oppose d’emblée deux tonalités : Do majeur symbolique de la nature, Si mineur symbolique de l’esprit humain).

 

Le lever du Jour

1. Le lever du soleil – 100 x 81 cm – durée 1’45

« J’étais plongé dans le sommeil,

j’émergeais d’un rêve profond : – »

La lumière du Jour

2. La lumière du jour – 100 x 81 cm – durée 3’35

« Oh ! que n’y a-t-il des chemins célestes qui nous introduiraient dans une autre existence et dans un autre bonheur ! ».

Hélas ! Le temps vient où l’homme deviendra incapable d’enfanter une étoile dansante.

03.-Le-Couchant-doré-81-x-100-cm

3. Le couchant doré – 81 x 100 cm – durée 1’56

"L’univers est profond, profond

Plus que le jour ne l’imagine"

Et parvenu sur la crête, il vit s’étaler sous ses yeux la seconde mer ;

il demeura longtemps en silence.

La cime et l’abîme se confondent à présent en une même résolution !

C’est à vous seuls que je raconterai l’énigme que j’ai vue – la vision du solitaire entre les solitaires ! –

04.-Il-est-Nuit-81-x-100-cm

4. Nuit – 81 x 100 cm – durée 1’54

Il est nuit ;

Voici que s’éveillent tous les chants des amoureux.

Et mon âme, elle aussi, est un chant d’amoureux.

Une soif est en moi, inassouvie, insatiable, qui cherche à élever la voix.

Un désir d’amour est en moi, un désir qui parle lui-même le langage de l’amour.

05.-La-Nuit-du-Tombeau-81-x-100-cm

5. La nuit du tombeau – 81 x 100 cm – durée 2’23

« L’Univers est profond, profond,

Plus que le jour ne l’imagine.

Profonds son mal et sa douleur –

L’homme est envers lui-même l’animal le plus cruel qui soit.

06.-LUnivers-diptyque-01.-Le-lever-de-Terre-100-x-81-cm-copie

6. La lune et la terre – 100 x 81 cm

Des soleils innombrables gravitent dans l’espace désert….

Ce que je préfèrerais ce serait d’aimer la terre d’un amour lunaire et de n’effleurer sa beauté que du regard.

Fait parti du Diptyque "Le Chant de l’ Univers" – 6-7– durée 4’18

« L’Univers est profond, profond,

Plus que le jour ne l’imagine.

 

06.-LUnivers-diptyque-02.-Le-lever-du-Soleil-100-x-81-cm

7. Un amour solaire – 100 x 81 cm

Voyez cet air penaud et blême que prend la lune devant l’aurore !

Car voici déjà l’aurore qui paraît, embrassée,

– elle vient pleine d’amour vers la terre !

– L’amour du soleil est toujours innocence et désir créateur.

Malheur à cette Grand’ ville.

Fait parti du diptyque "Le Chant de l’ Univers" – 6 - 7– durée 4’18

« L’Univers est profond, profond,

Plus que le jour ne l’imagine.

7.-La-Joie-114-x-146-cm1

8. La joie – 114 x 146 cm ( Sils Maria) – durée 5’10

« Plus profonde est encore la joie: La douleur dit : Passe et péris !

C’est que l’enfant est innocence et oubli, commencement nouveau, jeu,

roue qui se meut d’elle-même, un premier mobile, une affirmation sainte.

Ma sagesse embrassée de désir s’exhalait dans ces cris et ces rires ;

un rire né sur les monts, une sagesse sauvage en vérité, mon grand désir aux ailes bruissantes.

Et souvent ce désir emportait bien loin, bien haut, et m’enlevait en plein rire ;

et je prenais l’essor, vibrant comme une flèche, dans une extase enivrée de soleil,

vers de lointains avenirs que nul rêve n’a jamais vus…

J’enseignerai aux hommes quel est le sens de leur existence,

je veux dire le Surhumain, l’éclair qui doit jaillir de la lourde nuée humaine.

Le Surhumain est le sens de la terre : demeurez fidèles à la terre.

08.-Le-Chant-des-Saisons-Polyptyque-01.-Le-Printemps-81-x-100-cm-copie

9. Printemps – 81 x 100 cm

Tout passe et tout revient, éternellement tourne la roue de l’être.

Tout meurt, tout refleurit ; éternellement se déroule le cycle de l’être.

Tout se brise, tout se rajuste; éternellement s’édifie la même demeure de l’être.

Tout se disjoint tout se retrouve ;

Le cycle de l’existence demeure éternellement fidèle à lui-même.

Fait parti du polyptyque "Le Chant des saisons" – 9-10-11-12 – durée 7’42

Le Chant des Saisons Polyptyque

10. Eté – 81 x 100 cm

Si j’ai nagé en me jouant dans des lointains lumineux

et si ma liberté a conquis une sagesse d’oiseau,

– mais ma sagesse d’oiseau, c’est celle qui dit : « Voici, il n’y a ni haut ni bas !

Elance-toi en tout sens, en avant, en arrière, créature légère ! Chante ! Ne parle plus ! »-

Ô mon âme, je t’ai appris à dire « aujourd’hui », comme on dit « jadis » ou « naguère »,

et à danser ta ronde au-delà de tout ce qui s’est appelé « ici », « là-bas » ou « plus loin ».

Fait parti du polyptyque "Le Chant des saisons" – 9-10-11-12 – durée 7’42

08.-Le-Chant-des-Saisons-Polyptyque-03.-LAutomne-81-x-100-cm-copie

11. Automne – 81 x 100 cm

Voici, je suis l’annonciateur de la foudre, je suis une lourde goutte tombée de la nue ;

mais cette foudre s’appelle le Surhumain.

Je vous le dis : il faut avoir encore du chaos en soi pour enfanter une étoile dansante.

Je vous le dis : vous avez encore du chaos en vous.

Fait parti du polyptyque "Le Chant des saisons" – 9-10-11-12 – durée 7’42

08.-Le-chant-des-Saisons-Polyptyque-04.-LHiver-81-x-100-cm-copie

12. Hiver – 81 x 100 cm

Le tremblement de terre révèle des sources nouvelles.

Le séisme qui ébranle les peuples anciens met au jour des sources nouvelles.

La société humaine est une expérience, voilà ma doctrine ;

Fait parti du polyptyque "Le Chant des saisons" – 9-10-11-12 – durée 7’42

09.-Le-Chant-du-Voyageur-de-la-Nuit-01.-Minuit-profond-100-x-81-cm

13. Le Chant de Minuit – 100 x 81 cm

Minuit approche, Je vous dirais alors à l’oreille ce que cette vieille cloche me dit aussi à l’oreille – un terrible et réconfortant secret….

Un ! Humain, écoute !

Deux ! Que dit minuit de sa voix grave ?

Trois ! « J’étais plongé dans le sommeil ;

Quatre ! « J’émergeai d’un rêve profond,

Cinq !« L’univers est profond, profond,

Six !« Plus profond que le jour ne l’imagine.

Sept !« Profonde, certes, est sa douleur,

Huit !« Mais plus profonde encore la joie.

Neuf !« La douleur dit : passe et péris ! »

Dix !« Mais la joie veut l’éternité,

Onze !« – Veut la profonde éternité ! »

Douze !«Je suis ton ombre…

Je suis un voyageur, depuis longtemps déjà attaché à tes talons, toujours en route, mais sans but et sans foyer.

Je reviendrai éternellement pour cette même et identique vie, avec toutes ses grandeurs

et toutes ses misères, pour enseigner de nouveau le Retour éternel de toute chose.»

Fait parti du diptyque "Le chant du voyageur de la nuit" – 13-14 – durée 4’43

09.-Le-Chant-du-Voyageur-de-la-Nuit-02.-La-Plainte-dAriane-100-x-81-cm-copie

14. La Plainte d’Ariane – 100 x 81 cm

N’entendez-vous pas ? Ne sentez-vous pas que le monde, le mien, vient de toucher à sa perfection ?

Minuit, c’est aussi midi.

La douleur est une joie aussi, la malédiction est bénédiction, la nuit est un soleil aussi.

(Un éclair. Dionysos apparaît dans une beauté d’émeraude.)

Dionysos : Sois avisée, Ariane !…
Tu as de petites oreilles, tu as mes oreilles :
mets-y un mot avisé ! –
Ne faut-il pas d’abord se haïr, si l’on doit s’aimer ?…
Je suis ton labyrinthe…

Fait parti du diptyque "Le chant du voyageur de la nuit" – 13-14 – durée 4’43

Textes empruntés librement à:

  • « Ainsi parlait Zarathoustra » de Friedrich Nietzsche - Traduction Geneviève Bianquis – Editions Montaigne.
  • « Dithyrambe à Dionysos – la plainte d’Ariane » de Friedrich Nietzsche -Traduction Henri Albert.

Explication de l’oeuvre par Bernard Bouin

La composition de l’ensemble pictural suit la structure de l’oeuvre musicale de Richard Strauss.
Les peintures seraient présentées afin que le public suive l’exposition au rythme du poème symphonique de Strauss (sous forme de la diffusion d’un enregistrement).

Il existe une transcription pour deux pianos faite par Otto Singer en 1896.

J’ai proposé à deux pianistes de travailler ensemble cette transcription pour pouvoir la présenter à cette occasion.
A cette occasion une vidéo des peintures (avec les textes de Nietzsche qui ont structuré mes « images ») serait projetée pour lier peinture et musique pendant le concert.
En effet, j’aimerais que mon projet soit comme un éloge à la musique comme elle a été au centre de la vie de Nietzsche.
Je suis donc revenu à Nietzsche par la musique…
Ensuite en faisant des lectures multiples de Zarathoustra, j’ai isolé les aphorismes qui pourraient faire naître « mes images ».
Bien sûr, il n’était pas question pour moi d’embrasser l’ensemble de l’oeuvre mais plutôt d’en donner ma vision personnelle.
J’ai travaillé pour créer mes « images » entre la musique de Strauss et les aphorismes de Nietzsche que j’ai choisis.

Je veux lier ainsi peinture, musique et philosophie
Nietzsche est d’abord un artiste, un poète même s’il est surtout un grand philosophe.

Il pense dans le paysage, en marchant, et son Zarathoustra est aussi très visuel (de même que le poème symphonique de Richard Strauss) : c’est ainsi que sont nées « mes images »

Ce travail est dans la continuité de l’installation peinture-musique réalisée avec le violoncelliste Bruno Cocset (2010).

 

Dans la réflexion philosophique, il est à mettre en miroir avec le Polyptyque de l’Eglise de la Pommeraye (1997) : Dionysos et le Crucifié.

Les deux types : Dionysos et le Crucifié. – Déterminer si le type de l’homme religieux est une forme de décadence (les grands novateurs sont tous sans exceptions maladifs et épileptiques); mais n’est-ce pas là omettre un certain type de l’homme religieux, le type païen ? Le culte païen n’est-il pas une forme de la reconnaissance envers la vie, de l’affirmation de la vie ? Son représentant suprême ne devrait-il pas être, dans sa personne même, l’apologie et la divinisation de la vie ? Le type d’un esprit heureusement développé et débordant d’une extase de joie ! Un esprit qui absorbe en lui et rachète les contradictions et les équivoques de la vie ! C’est ici que je placerai l’idéal dionysiaque des Grecs : l’affirmation religieuse de la vie dans son entier, dont on ne renie rien, dont on ne retranche rien… Dionysos contre le ‘Crucifié’ : voilà le contraste. La différence entre eux n’est pas celle de leur martyre, mais ce martyre a des sens différents. Dans le premier cas, c’est la vie elle-même, son éternelle fécondité et son éternel retour qui sont cause du tourment, de la destruction, de la volonté du néant. Dans l’autre cas, la souffrance, le ‘Crucifié innocent’, portent témoignage contre la vie : un sens chrétien, ou un sens tragique ? Dans le premier cas, elle doit être le chemin qui mène à la sainteté ; dans le second cas, l’existence semble assez sainte par elle-même pour justifier par surcroît une immensité de souffrance. L’homme tragique affirme même la plus âpre souffrance, tant il est fort, riche et capable de diviniser l’existence ; le chrétien nie même le sort le plus heureux de la terre; il est pauvre, faible, déshérité au point de souffrir de la vie sous toutes ses formes. Le Dieu en croix est une malédiction de la vie, un avertissement de s’en affranchir ; Dionysos écartelé est une promesse de vie, il renaîtra éternellement et reviendra du fond de la décomposition »

Friedrich Nietzsche, « La volonté de Puissance, op. cit., vol. II, pp. 412-3 »

Le Monde selon Friedrich Nietzsche

Ce monde : un monstre de force,

…qui ne s’use pas mais se transforme, dont la totalité est une grandeur invariable

…une mer de forces en tempête et en flux perpétuel…

pour revenir ensuite à la simplicité, du jeu des contrastes au besoin d’harmonie,

affirmant encore son être dans cette régularité des cycles et des années….*

*Fragments posthumes, automne 1884- automne 1885 -Friedrich Nietzsche.

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