Période 2000 – 2005
Autres périodes
"Mallarmé vint chez moi, l’air fatidique et orné d’un plaid écossais. Après avoir écouté, il resta silencieux pendant un long moment, et me dit ‘‘Je ne m’attendais pas à quelque chose de pareil ! Cette émotion prolonge l’émotion de mon poème et en situe le décor plus passionnément que la couleur."
« Cette musique prolonge l’émotion de mon poème. Il présenterait de dissonance avec mon texte, sinon qu’aller plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière. »
« Peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit ».
« Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème, qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer voilà le rêve…
«Sylvain d’haleine première
Si ta flûte a réussi,
Ouï toute la lumière
Qu’y soufflera Debussy»
[…] Le poème est un souvenir que le Faune développe en image.
Ce souvenir est peut-être un rêve : les images sont aussi oniriques.
Poème solaire, en tous sens, poème aussi du sommeil, un grand poème érotique.
Avant tout, poème du rêve heureux, du songe de la nature et du sang également pourpres ;
du désir enfin, et de la fête, réfléchis dans une âme-miroir ; du désir comme absence-présence.
Un grand poème sur la Réalité et le Rêve.
Plus : poème de foi en la Beauté et la Poésie, dont on ne sait jamais si elles sont rêve ou réalité ;
qui font du rêve une réalité : autre que la réalité.
L’Après-Midi d’un faune est un poème de l’allusion et de l’illusion heureuse.
[…] Le Miroir est médiation entre rêve et réalité ; il joue des deux ; il subvertit la notion de « réalité ; »
Le miroir est tout cela, et sans doute beaucoup plus, parce que le poème est miroir : miroir extérieur, reflétant tout ;
miroir intérieur, reflet de soi en soi.
[…] L’ivresse du Faune est aussi « idéale » ; il rit au monde à travers des grappes dionysiaques, mais vides et diaphanes,
des « formes » présentes-absentes de sa vision.
Le fruit rouge et sanglant, la grenade ouverte est synonyme de la jouissance érotique, métaphore pourpre de la passion.
Le Faune
Ces nymphes, je les veux perpétuer.
Si clair,
Leur incarnat léger, qu’il voltige dans l’air
Assoupi de sommeils touffus.
Aimai-je un rêve?
Mon doute, amas de nuit ancienne, s’achève
En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais
Bois même, prouve, hélas! que bien seul je m’offrais
Pour triomphe la faute idéale de roses –
Réfléchissons…
ou si les femmes dont tu gloses
Figurent un souhait de tes sens fabuleux!
Comme brise du jour chaude dans ta toison?
Que non! par l’immobile et lasse pâmoison
Suffoquant de chaleurs le matin frais s’il lutte,
Ne murmure point d’eau que ne verse ma flûte
Au bosquet arrosé d’accords; et le seul vent
Hors des deux tuyaux prompt à s’exhaler avant
Qu’il disperse le son dans une pluie aride,
C’est, à l’horizon pas remué d’une ride
Le visible et serein souffle artificiel
De l’inspiration, qui regagne le ciel.
O bords siciliens d’un calme marécage
Qu’à l’envi de soleils ma vanité saccage
Tacites sous les fleurs d’étincelles, CONTEZ
Que je coupais ici les creux roseaux domptés
Par le talent; quand, sur l’or glauque de lointaines
Verdures dédiant leur vigne à des fontaines,
Ondoie une blancheur animale au repos:
Et qu’au prélude lent où naissent les pipeaux
Ce vol de cygnes, non! de naïades se sauve
Ou plonge…
Inerte, tout brûle dans l’heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala
Trop d’hymen souhaité de qui cherche le la:
Alors m’éveillerai-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot antique de lumière,
Lys! et l’un de vous tous pour l’ingénuité.
Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent;
Mais, bast! arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue:
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve, dans un solo long, que nous amusions
La beauté d’alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule;
Et de faire aussi haut que l’amour se module
Évanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos,
Une sonore, vaine et monotone ligne.
Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m’attends!
Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps
Des déesses; et par d’idolâtres peintures
À leur ombre enlever encore des ceintures:
Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté,
Pour bannir un regret par ma feinte écarté,
Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide
Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide
D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers.
O nymphes, regonflons des SOUVENIRS divers.
« Mon oeil, trouant les joncs, dardait chaque encolure
» Immortelle, qui noie en l’onde sa brûlure
» Avec un cri de rage au ciel de la forêt;
» Et le splendide bain de cheveux disparaît
» Dans les clartés et les frissons, ô pierreries!
» J’accours; quand, à mes pieds, s’entrejoignent (meurtries
» De la langueur goûtée à ce mal d’être deux)
» Des dormeuses parmi leurs seuls bras hasardeux;
» Je les ravis, sans les désenlacer, et vole
» À ce massif, haï par l’ombrage frivole,
» De roses tarissant tout parfum au soleil,
» Où notre ébat au jour consumé soit pareil. »
Je t’adore, courroux des vierges, ô délice
Farouche du sacré fardeau nu qui se glisse
Pour fuir ma lèvre en feu buvant, comme un éclair
Tressaille! la frayeur secrète de la chair:
Des pieds de l’inhumaine au coeur de la timide
Qui délaisse à la fois une innocence, humide
De larmes folles ou de moins tristes vapeurs.
» Mon crime, c’est d’avoir, gai de vaincre ces peurs
» Traîtresses, divisé la touffe échevelée
» De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée:
» Car, à peine j’allais cacher un rire ardent
» Sous les replis heureux d’une seule (gardant
» Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
» Se teignît à l’émoi de sa soeur qui s’allume,
» La petite, naïve et ne rougissant pas: )
» Que de mes bras, défaits par de vagues trépas,
» Cette proie, à jamais ingrate se délivre
» Sans pitié du sanglot dont j’étais encore ivre. »
Tant pis! vers le bonheur d’autres m’entraîneront
Par leur tresse nouée aux cornes de mon front:
Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre,
Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure;
Et notre sang, épris de qui le va saisir,
Coule pour tout l’essaim éternel du désir.
À l’heure où ce bois d’or et de cendres se teinte
Une fête s’exalte en la feuillée éteinte:
Etna! c’est parmi toi visité de Vénus
Sur ta lave posant tes talons ingénus,
Quand tonne une somme triste ou s’épuise la flamme.
Je tiens la reine!
O sûr châtiment…
Non, mais l’âme
De paroles vacante et ce corps alourdi
Tard succombent au fier silence de midi:
Sans plus il faut dormir en l’oubli du blasphème,
Sur le sable altéré gisant et comme j’aime
Ouvrir ma bouche à l’astre efficace des vins!
Couple, adieu; je vais voir l’ombre que tu devins.
Le poème de Mallarmé « L’Après-Midi d’un Faune » tire son inspiration d’une toile de François Boucher « Pan et Syrinx » 32,5 x 41,5 cm, 1759.
Visible au National Gallery de Londres, reprise dans une miniature de Charlier, dont Mallarmé aurait lu la description faite par Paul de Mantz dans « L’Artiste » du 21 février 1858.
Né en 1978, il a appris le clavecin auprès de sa mère puis de Christophe Rousset et Pierre Hantaï, obtenu à 19 ans le 3e prix au concours international de clavecin de Bruges, et en 2001 le Diplôme de Formation Supérieure au CNSM de Paris.
Il se produit en soliste dans des lieux prestigieux comme Les Folle Journées de Nantes, La Roque d’Anthéron, Saintes, Utrecht, Sablé ainsi qu’aux Etats-Unis et au Japon.
Les activités de Bertrand Cuiller comme soliste ou continuiste au sein des Basses Réunies ou de la Rêveuse l'amènent à jouer dans de nombreux pays et des festivals prestigieux. Il a également participé à des productions d'opéra avec Les Arts Florissants, Le Concert Spirituel, Stradivaria et Le Poême Harmonique.
Ses CD sont salués par la critique : "Pescodd Time" (Alpha 86 : Diapason d'or - Choc du Monde de la Musique), les Concerti pour clavecin de JS Bach (Mirare 085 : Choc Classica de l'année 2009). Le dernier paru, Scarlatti-Soler (Alpha 165), vient d'obtenir le Choc Classica.
Né en 1963 et il vit à Baden ( Morbihan).
Il est diplômé du Conservatoire National de Région de Tours dans la classe de Didier Aubert (Médaille d'or en 1979).
Reçu au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon en 1980, il y sera l'élève d'Alain Meunier, puis de Jean Deplace dont il quitte la classe en mars 1983 en raison de divergences stylistiques.
Il aborde le violoncelle baroque et le jeu sur cordes en boyau en autodidacte, puis avec Christophe Coin, devenant le premier élève diplômé de sa classe au Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse de Paris (1er Prix à l’unanimité en 1986).
Il suit également les master-classes du violoncelliste Anner Bijlsma et du violoniste Jaap Schroeder.
En "violoncelliste nomade" de la scène baroque, il vit alors vingt années riches d'expériences et de confrontations musicales : Les Arts Florissants, Mosaïques, Fitzwilliam, l'Ensemble Baroque de Limoges, Le Concert Français, La Petite Bande, Les Musiciens du Louvre, Les Talens Lyriques, Arsys, Ricercar Consort, l’Arpeggiata, Stradivaria, l'Amoroso, Al Ayre Espanol, Henri Ledroit, Véronique Gens, Maurice Bourgue, Franz Brüggen, Gustav Léonhardt, Jos Van Immersel, Jean-Claude Malgoire, Philippe Herreweghe…
Ses "ports d'attaches" les plus fidèles sont Il Seminario Musicale (Gérard Lesne) 1988-2004, et le Concert des Nations et Hesperion XX-XXI (Jordi Savall) 1990-2005.
En 1996 il fonde Les Basses Réunies et autoproduit son premier enregistrement soliste : les sonates d’Antonio Vivaldi. Ce disque que le label Alpha accueille dans sa collection reçoit le "Premio Vivaldi" de la fondation Cini à Venise.
Six autres enregistrements sont réalisés : Barrière, Bach (suites), Frescobaldi, Boccherini, Geminiani, Bach (sonates), tous saluées par la presse musicale française et internationale. Ainsi il est régulièrement invité à jouer ces programmes en France, en Europe, au Québec, et en Russie.
Chacun des projets discographiques est relié à une recherche sonore et organologique avec le facteur et luthier Charles Riché. Grâce à cette quête d'unir geste instrumental et geste musical tout en explorant un répertoire toujours plus vaste, neuf instruments vont naître de leur collaboration : plusieurs violoncelles, et un consort de violons du 17ième siècle "a la bastarda".
Aujourd'hui, en musicien chercheur, Bruno Cocset propose ainsi un violoncelle "pluriel". Il se consacre exclusivement à cette voie et à l'enseignement : depuis 2001 au CNSM de Paris où il partage la classe avec Christophe Coin, ainsi qu’à Barcelone à l’Ecole Supérieure de Musique de Catalogne (ESMUC) où il crée la classe de violoncelle historique en 2002. En septembre 2005 il est nommé professeur à la Haute Ecole de Musique de Genève.
Il donne aussi depuis 1988 de nombreuses master-classes : à la Fondation Royaumont, dans les Conservatoires de Bayonne, Caen, Strasbourg et Vannes (France), à San-Felliu de Guixols (Girona-Espagne), St Petersbourg (Russie), Prague (République Tchèque), Bucarest et Cluj (Roumanie).